Le taux d’usure a été la bête noire des emprunteurs tout au long de l’année 2023. Véritable frein en période de hausse des taux d’intérêt, ce seuil est la limite à ne pas franchir par une banque lors de la signature d’un prêt immobilier. Qu’est-ce que le taux d’usure ? Comment le calculer ? Sur quels crédits il s’applique ? Pourquoi il pose un problème en 2023 ? Comment le diminuer ? Les seuils d’usure vont baisser en 2024 ?
Article mis à jour le 08/07/2024
Qu’est-ce que le taux d’usure ?
Définition
Le taux d’usure d’un crédit ou seuil d’usure est le taux maximum légal à ne pas dépasser par une banque. Au-delà de ce seuil, la banque n’est pas autorisée à accorder un crédit. Ça constitue même un délit. L’établissement de crédit s’expose à un emprisonnement de deux ans et/ou une amende de 300 000 €, selon l’article L 341-50 du Code de la consommation.
Taux d’usure et coût d’un crédit
Votre crédit a un coût global. Il s’agit de la somme des intérêts, des cotisations d’assurance de prêt, des frais de garanties (pour un crédit immobilier), des frais de dossier de la banque et des honoraires de courtage si vous faites appel à un courtier en crédit. La somme de ces frais constitue le coût total de votre prêt. Toute offre de crédit mentionne obligatoirement ce coût, en pourcentage du montant emprunté. C’est le taux annuel effectif global (TAEG). Ainsi, le taux d’usure est le TAEG à ne pas dépasser pour un crédit. Si le TAEG du prêt est dépassé, on parle de prêt usuraire. Dans ce cas, la banque ne peut pas vous accorder de financement.
Un taux protecteur
Le taux légal a pour objectif de protéger les emprunteurs contre une proposition de crédit trop chère. Ce seuil vise à éviter de placer l’emprunteur dans une situation financière délicate.
Comme se calcule un seuil d’usure ?
Une moyenne de taux
La Banque de France réalise une enquête auprès des organismes prêteurs. Puis, elle calcule un taux effectif moyen pratiqué par les banques, au cours du trimestre précédent. Cette moyenne est augmentée d’un tiers pour donner les taux d’usure. Ce mode de calcul est règlementé. Les seuils d’usure sont publiés au journal officiel. Ils sont applicables au 1er juillet 2024 et accessibles sur le site de la Banque de France : https://www.banque-france.fr/fr
Actualisation des seuils légaux
En principe, la Banque de France révise les taux chaque trimestre. Exceptionnellement, du 1er février au 31 décembre 2023, la mise à jour des taux légaux est mensuelle. Dans le contexte de hausse continue et forte des taux d’intérêts, l’actualisation mensuelle a pour objectif de coller au mieux à la réalité des taux. Mais, depuis le 1er janvier 2024, les seuils d’usure sont à nouveau publiés chaque trimestre.
Sur quels crédits s’applique le taux d’usure ?
Sur les crédits à la consommation
Le taux d’usure d’un crédit à la consommation varie selon son montant. Il n’y a pas de notion de durée de remboursement. Par exemple au 1er juillet 2024, le seuil d’usure d’un crédit renouvelable inférieur à 3000 € s’élève à 22,49 %. En principe, le taux d’intérêt hors assurance de ce type de prêt tourne autour de 20 %. En revanche, pour un prêt auto de plus de 6000 €, le taux légal en juillet 2024 est de 8 %. On constate que les taux d’usure sur les crédits à la consommation n’ont cessé d’augmenter en 2024. Les banques ont donc augmenté leurs taux d’intérêt sur ces prêts contrairement à la tendance actuelle sur les crédits immobiliers.
Sur les crédits immobiliers
Crédit à taux fixe
Les taux d’usure des crédits immobiliers à taux fixe diffèrent selon la durée de remboursement. Le montant emprunté n’entre pas en ligne de compte. La logique est simple : plus la durée de prêt est longue, plus les taux d’intérêts fixes sont élevés. Ainsi, le TAEG d’un prêt immobilier sur 20 ans et plus au 1er juillet 2024 ne doit pas dépasser 6,16% contre 6,39 % trois mois plus tôt. Pour la 1ère fois depuis janvier 2021, les seuils d’usure baissent mais pas sur toutes les durées de prêt. Par ailleurs, il existe un décalage de 6 mois entre la baisse réelle des taux d’intérêt en janvier 2024 et sa traduction sur les taux d’usure au 1er juillet 2024.
Crédit à taux variable
Il existe un unique taux d’usure des prêts immobiliers à taux d’intérêt variable, quelle que soit la durée de remboursement. Ainsi, au 1er juillet 2024, le taux d’usure sur ces prêts augmente à 5,97 % contre 5,85 % au 1er avril. Mais, en France la plupart des prêts immobiliers accordés sont des crédits à taux fixe.
Crédit relais
Enfin, les prêts relais ont un taux d’usure spécifique. Au 1er juillet 2024, le taux d’usure d’un crédit relais est plutôt stable à 6,77 % contre 6,76 % au 1er avril.
Sur les rachats de crédits
Rachat de crédit à la consommation
Pour le rachat de crédit à la consommation, les taux d’usure sur les prêts à la consommation s’appliquent.
Rachat de crédit à la consommation et immobilier hypothécaire
Pour un rachat de crédit à la consommation et crédit immobilier, les seuils d’usure sur les crédits immobiliers s’appliquent si la part du prêt immobilier représente plus de 60 % du montant total à racheter. En revanche, si la part des crédits immobiliers est inférieure à 60 % du montant du rachat, les taux d’usure sur les crédits à la consommation sont la règle.
Pourquoi le taux d’usure pose un problème en 2023 ?
Des taux d’intérêts trop proches des taux d’usure
Les taux d’usure des crédits immobiliers empêchent bon nombre de particuliers d’obtenir un financement. La cause principale réside dans la hausse forte et continue des taux d’intérêts depuis début 2023. Ainsi, les intérêts d’emprunt pèsent lourdement dans le coût total d’un crédit immobilier. Ajoutez les cotisations d’assurance de prêt. Le TAEG augmente. Donc, le taux d’usure à respecter est dépassé. Tant que les taux d’intérêts ne se stabilisent pas, un grand nombre d’emprunteurs resteront bloqués par les seuils d’usure.
La problématique s’applique également au rachat de prêt immobilier et de prêt à la consommation (60 % minimum de crédit immobilier).
Quant au rachat de crédits à la consommation, la tendance est identique. Les taux d’intérêts ont augmenté en 2023. Cela a pour conséquence de réduire la capacité de rachat des emprunteurs. De plus, les banques spécialistes ont durci leurs critères d’octroi pour minimiser le risque de non-remboursement des prêts.
Une révision mensuelle des taux d’usure sans effet
L’actualisation mensuelle des taux d’usure en février 2023 a permis de s’adapter au marché. Mais, c’est loin d’être suffisant pour débloquer l’accès aux crédits. Cette mesure a même accéléré la hausse des taux d’intérêts.
Un mode de calcul des taux d’usure inadapté
Les courtiers réclament depuis longtemps la refonte du mode de calcul des taux d’usure sur les crédits immobiliers. La Banque de France prend en compte les taux moyens constatés, en général 3 mois après la signature d’un compromis de vente. Or en 2023, en l’espace de 3 mois, les taux d’intérêts fluctuent énormément. Dans une période où les taux d’intérêts progressent autant, un décalage de 3 à 6 mois a de fortes répercussions sur la production de prêts immobiliers.
Comment baisser le taux d’usure des crédits immobiliers ?
Une assurance de prêt immobilier individuelle
Choisir une assurance emprunteur individuelle (en opposition à une assurance groupe de banque) permet de réaliser d’importantes économies surtout si vous êtes jeune. Toutefois, ce choix n’est pas judicieux si vous avez des pathologies ou au-delà de 55 ans.
Le gain réalisé permet parfois de diminuer le TAEG de votre crédit immobilier. Mais, les banques exigent une assurance de prêt et imposent souvent leurs contrats. 85 % des assurance de prêts sont des contrats groupe des banques. On mesure combien il est difficile de faire accepter une assurance emprunteur individuelle, malgré la loi Lagarde de 2010. La seule possibilité consiste à changer d’assurance de crédit immobilier une fois l’offre de prêt signée. C’est ce que la Loi Lemoine de février 2022 permet de faire, sans frais ni préavis.
Emprunter sur une durée plus courte
Les taux d’intérêts des crédits augmentent avec la durée de remboursement. Vous avez la possibilité d’augmenter votre apport personnel et ainsi réduire la durée de votre prêt immobilier. De cette manière, vous bénéficierez d’un meilleur taux immobilier. Cependant, votre taux d’endettement risque d’augmenter. Il ne doit pas dépasser 35 % de vos revenus, assurance emprunteur incluse.
Prêts aidés
Les prêts aidés, en complément d’un prêt immobilier classique, sont une bonne solution pour contenir le coût de votre prêt immobilier.
PTZ
Depuis le 1er avril 2024, Le prêt à taux zéro (PTZ) est réservé à l’achat d’un logement neuf (sauf maison individuelle) dans les zones tendues (A, Abis, B1). Il s’applique aussi pour l’acquisition d’un logement ancien avec au moins 25 % de travaux dans les zones détendues (B2, C).
Donc, les maisons individuelles neuves sont désormais exclues du dispositif. Mais, dans le contexte actuel, l’exécutif cherche à faire des économies. En 2022, le dispositif a coûté 1,5 milliard d’euros.
Prêt 1 % logement
Vous êtes peut-être éligible au prêt 1% logement. Renseignez-vous auprès de votre employeur.
PEL et CEL
Les PEL et CEL sont également une piste. Mais, il faut rester vigilant sur l’assurance emprunteur de ces prêts qui est souvent chère. Par ailleurs, les prêts aidés ont des durées maximales d’emprunt souvent courtes, ce qui entraine une hausse de la mensualité globale. Or, vous ne devez pas dépasser un endettement de 35 % de vos revenus, assurance de prêt incluse.
Les taux d’usure vont baisser en 2024 ?
Baisse des taux d’usure pas encore visible au 1er avril 2024
Les taux immobiliers baissent depuis janvier 2024. Les banques ont reconstitué, depuis octobre 2023, leur marge pour améliorer la profitabilité des prêts. De plus, les taux de rémunération des dépôts des ménages ont peu progressé depuis début 2024, ce qui est un atout pour les banques. Ainsi, dès janvier 2024, les banques ont diminué leur taux pour relancer la demande.
Pourtant, les taux d’usure sur les crédits immobiliers et les crédits à la consommation ont tous augmenté au 1er avril 2024 par rapport au 1er janvier 2024. On peut l’expliquer par des seuils d’usure trimestriels en décalage avec les taux réels pratiqués. Or, ce décalage n’incite pas les banques à baisser davantage leurs taux d’intérêt. On peut également penser que les banques ont anticipé la baisse des taux de la BCE annoncée le 6 juin 2024.
Une baisse hétérogène des seuils d’usure au 1er juillet 2024
Le 1er juillet 2024, la Banque de France a publié ses taux d’usure trimestriels. La baisse des seuils d’usure est visible pour les crédits immobiliers de 20 ans et plus soit -23 points de base (6,16% au 1er juillet contre 6,39% au 1er avril 2024). Quant aux prêts de 10 à 19 ans, le taux d’usure au 1er juillet est stable : 6,13 % en avril et juillet 2024. En revanche, le taux d’usure des emprunts immobiliers inférieurs à 10 ans continue à augmenter.
FAQ sur le taux d’usure
Non, les taux d’usure ne sont plus un frein à l’obtention d’un crédit immobilier en 2024 en raison de la diminution des taux d’intérêt depuis le début de l’année. D’une manière générale, lorsque les taux d’intérêts sont stables ou en baisse, les seuils d’usure ne sont pas un obstacle pour les emprunteurs.
Votre banque ou votre courtier en crédit est en mesure de vous dire si votre crédit dépasse le taux d’usure en vigueur. Leurs logiciels calculent automatiquement le taux annuel effectif global (TAEG) de votre prêt qui doit être inférieur au seuil d’usure en vigueur.
Pour un prêt immobilier sur 7 ans, le taux d’usure est de 4,60 %. Concernant un crédit de 15 ans, le seuil passe à 6,13 %. Enfin, pour un emprunt sur 25 ans, le TAEG à ne pas dépasser est de 6,16 %.
Le taux d’usure a plus que doublé depuis 2021 sur cette durée d’emprunt : 2,48 % au 1er juillet 2021, 2,57 % au 1er juillet 2022, 5,09 % au 1er juillet 2023 et 6,16 % au 1er juillet 2024. Pour la première fois, le seuil d’usure sur cette durée diminue en juillet 2024.
En conclusion, le seuil d’usure d’un crédit peut simultanément protéger les emprunteurs et être un frein à l’accès au crédit immobilier, comme en 2023. Mais, la donne a changé en 2024. Avec la baisse des taux d’intérêt en début d’année, les taux d’usure au 1er juillet 2024 commencent à baisser. Est-ce que cette tendance baissière sera visible sur toutes les durées de prêt au 1er septembre ? A voir comment les marchés vont réagir aux résultats des élections législatives du 7 juillet 2024.
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