Article mis à jour le 10/09/2024
Quels taux bloquent le marché du crédit immobilier ?
Taux d’intérêt
Les taux d’intérêts conditionnent la capacité d’emprunt des acquéreurs. Avec des taux immobiliers bas, vous empruntez plus. Aussi, votre capacité d’achat s’accroit également. Mais depuis mi 2022, les hausses fortes et continues des taux changent profondément la donne. Comment en sommes-nous arriver là ?
Des taux immobiliers bas jusqu’à fin 2021
Après la crise financière de 2008, la stratégie monétaire de la Banque Centrale Européenne (BCE) a profondément changé. Dès novembre 2011, les banques ont eu de larges facilités de refinancement. Le principal taux de refinancement de la BCE demeure à 0 % entre 2016 et mi 2022. Cela s’est traduit par une baisse des taux immobiliers dès 2012, qui a atteint son apogée fin 2021. On parlait, à juste titre, de taux historiquement bas à 1,20 sur 25 ans.
L’Inflation apparait en 2022
L’année 2022 marque un tournant. L’inflation augmente avec le déconfinement. Les prix du carburant et des énergies s’envolent. Le déclenchement de la guerre en Ukraine et les incertitudes sur les marchés accentuent la tendance.
La BCE réagit mi 2022
Aussi, en juillet 2022, la BCE décide de relever pour la 1ère fois ses taux directeurs pour contrer l’inflation. Le taux de l’OAT 10 ans anticipe alors le virage pris par la BCE. Véritable référence pour les banques, les taux des crédits immobiliers grimpent. D’abord lentement de janvier à juillet 2022. Puis, fortement à partir d’août et septembre 2022. Début août 2023, on atteint déjà le taux de 4% hors assurance sur 25 ans avant de finir l’année à 4,35 % en moyenne.
La BCE poursuit sa politique de hausse de taux en 2023
En mai 2023, la Banque Centrale Européenne (BCE) annonce une 7ème hausse de ses taux directeurs depuis juillet 2022. Toutefois, l’augmentation est plus modérée. Puis, la BCE continue à relever ses taux directeurs en juin et juillet 2023 puisque l’inflation dans la zone euro ne baisse pas suffisamment : 5,5 % en juin sur 1 an.
La BCE fait une une dernière hausse en septembre 2023
En juillet 2023, la demande intérieure en Europe faiblit dangereusement. Aussi, la BCE pourrait faire une pause dans la hausse de ses taux directeurs en septembre, ce qui serait une bonne nouvelle pour les taux des crédits immobiliers à la rentrée. Finalement, la BCE décide de relever une dernière fois ses taux directeurs en septembre 2023. Depuis, c’est le statut quo. Les taux directeurs élevés sont stables. L’inflation en zone euro baisse en novembre à 2,4 % contre 2,9 % en octobre. Toutefois, il y a eu un léger rebond en décembre 2023 à 2,9 %.
Taux d’usure
Décalage perpétuel des taux d’usure
La question des taux d’usure ne se posait pas en période de taux d’intérêts bas. Dès que ceux-ci ont augmenté, les seuils d’usure trimestriels ont été bloquants pour obtenir un crédit immobilier. Il existait un décalage perpétuel entre les taux d’intérêts et les taux d’usure actualisés chaque trimestre. En effet, les taux d’usure sont calculés sur la moyenne des taux des banques 3 mois avant, d’où le décalage.
Taux d’usure mensuels
Les courtiers ont alors plaidé pour une refonte du calcul et une mise à jour mensuelle des taux d’usure. Ils ont été entendus pour l’actualisation mensuelle des seuils d’usure. Ainsi, à compter de février 2023, la Banque de France met à jour le 1er de chaque mois les taux d’usure à ne pas dépasser, temporairement. D’un côté, cette mesure permet de refléter l’augmentation réelle des taux immobiliers. Mais, cette actualisation entraine aussi une augmentation très rapide des taux d’intérêts. Cette mesure s’applique jusqu’à fin 2023.
Taux d’endettement
Depuis le 1er janvier 2022, les banques appliquent aux emprunteurs un taux d’endettement maximum de 35 % de leurs revenus. Donc, une échéance de prêt, incluant l’assurance, ne doit pas dépasser 35 % des revenus d’un emprunteur. Toutefois, le taux d’endettement ne me semble pas être la cause principale du blocage du marché du crédit immobilier pour les primo accédant. En revanche, il pénalise les investisseurs aux revenus élevés qui ont une capacité d’endettement bien supérieure à 35 %.
Taux d’assurance emprunteur
Le prix de l’assurance de prêt pèse sur le coût d’un crédit immobilier (TAEG) et se heurte au taux d’usure. Il ne s’agit pas de remettre en cause l’utilité de l’assurance d’un prêt immobilier. Il s’agit de pouvoir choisir un contrat compétitif avec des garanties optimales qui permet de respecter le taux d’usure d’un crédit immobilier. Or, le coût de l’assurance emprunteur fait partie du TAEG d’un crédit immobilier. Le taux d’usure (TAEG) est plus rapidement atteint si l’assurance est chère ou si vous êtes 2 à emprunter.
La prudence des banques affecte le marché du crédit immobilier
Les banques n’utilisent pas pleinement les dérogations
En principe, la banques peuvent déroger aux règles du HCSF à hauteur de 20 % de leur production trimestrielle de crédits immobiliers. Or, les banques sont loin d’utiliser pleinement cette marge de manoeuvre. Selon les données de la Banque de France, en mars 2023 la part dérogatoire des prêts immobiliers n’étaient que de 14,2 %.
L’apport personnel
Il est loin le temps où les banques finançaient jusqu’à 110 % de votre projet immobilier en 2019. Il faut avouer qu’un minimum d’apport personnel est sain. Aussi, parallèlement à la règle de l’endettement apparu en 2021, l’apport personnel s’est imposé comme un moyen de sélectionner les demandes de prêt. Selon l’Observatoire Crédit Logement/CSA, en 2021, l’apport personnel demandé par les banques est en hausse de +13,2% en un an. En 2022, la tendance se confirme : + 12,3 %. Actuellement, prévoyez un apport personnel d’au moins 20 % de la valeur d’achat du logement acheté.
L’épargne
La notion d’épargne résiduelle a grandi en même temps que celle de l’apport personnel. Il s’agit de l’épargne restante après la mobilisation de votre apport personnel. L’objectif est de pouvoir faire face à des dépenses inattendues. On parle de l’équivalent d’un an d’échéances de prêt.
La valeur énergétique du logement acheté
Les passoires énergétiques font l’objet de toutes les attentions. Le DPE, réputé peu fiable, est pourtant la référence en la matière. Les banques sont prudentes pour financer les logements notés F et G. Il faut dire que les biens en catégorie G seront interdits à la location en 2025.
C’est particulièrement vrai pour les investisseurs. Les banques prennent en compte moins de revenus fonciers, ce qui affecte leur taux d’endettement. Il faut plus d’apport personnel. Un taux nominal majoré s’applique dès lors que l’achat ne porte pas sur une résidence principale.
Pour l’achat d’une résidence principale énergivore, les banques imposent plus d’apport personnel et surtout les fonds pour financer des travaux de rénovation. C’est aussi vrai pour les résidences secondaires.
Les règles du marché du crédit immobilier sont strictes
Des annonces
Face au ralentissement visible du volume de prêts immobiliers accordés, le Ministère de l’Economie se dit prêt, en avril 2023, à étudier l’assouplissement des règles d’accès aux crédits immobiliers, imposées par le HCSF en 2022.
De son côté en avril 2023, la Banque de France déclare être défavorable au changement des critères d’octroi des crédits immobiliers. Donc, cela risquerait de pousser certains ménages vers des situations de surendettement sur des durées longues. Or, les Français sont déjà endettés à hauteur de 66% du PIB, ce qui est supérieur aux autres pays de la zone euro.
Enfin, les banques se disent prêtes à discuter de l’assouplissement des règles actuelles.
La montagne accouche toujours d’une souris
Finalement le 13 juin 2023, les espoirs des professionnels sont déçus. Le HCSF augmente légèrement les dérogations des banques sur les règles d’endettement et de durée de prêt. Cette marge maximale est de 20 % de la production de crédits. Pas de changement. Mais, parmi ces 20 %, les banques pourront déroger à hauteur de 70 % pour une résidence principale (contre 80 %) et sont libres pour 30 %. Donc, cet assouplissement s’adresse aux investisseurs locatifs et non aux primo accédants, en grande difficulté pour décrocher un crédit immobilier.
Mais dans le même temps, le gouvernement met fin au dispositif Pinel. Cet outil, à destination des investisseurs particuliers, permet d’acheter un logement, le louer à un loyer plafonné et bénéficier d’une réduction d’impôt. Cette niche fiscale est jugée coûteuse et peu efficace. Elle ne sera pas prolongée au 1er janvier 2025 ni même remplacée.
Même face à la crise immobilière, le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) annonce des assouplissements à la marge en décembre 2023. Les ménages peuvent emprunter jusqu’à 27 ans à condition de réaliser des travaux de rénovation ou transformation d’au moins 10 % du cout total de l’opération. Les intérêts d’un prêt relais n’entrent plus dans l’endettement de 35 % des revenus. Un dispositif de réexamen des dossiers de prêts refusés est mis en place. Les banques pourront déroger aux critères d’endettement pour 20 % de leur production de crédits sur 3 mois glissants (contre 1 trimestre actuellement).
Les prix immobiliers n’aident pas le marché du crédit immobilier
Baisse des prix trop timide et pas partout
Les prix immobiliers ont augmenté ces dernières années tandis que les conditions de financement étaient favorables. Des taux historiquement bas, un apport quasi inexistant jusqu’en 2019, une durée d’emprunt jusqu’à 30 ans … L’allongement de la durée d’emprunt immobilier permettait de compenser la hausse des prix des logements.
Depuis 2021, non seulement les prix immobiliers continuent à augmenter, mais les crédits immobiliers sont réservés à certains emprunteurs.
Aujourd’hui, tout le monde s’accorde à dire que les prix immobiliers ne baissent pas suffisamment pour compenser la baisse de la capacité d’achat des emprunteurs.
Au 1er trimestre 2023, les prix dans l’ancien ont timidement baissé de -0,5 % en France contre une hausse de +1,9 % à la même période l’an dernier. En 2022 les prix grimpaient encore de + 4,1% (étude Aviv group : Seloger et Meilleurs Agents).
Hausse des prix dans la région PACA
La baisse des prix montre de fortes disparités régionales. Dans la région PACA, les prix immobiliers continuent à progresser à un rythme soutenu. En septembre 2023, selon les grands réseaux d’agences immobilières, les prix baissent à Paris et Lyon d’environ 5%. Cette baisse est plus spectaculaire à Bordeaux : 13%. En revanche sur le littoral, les prix continuent à augmenter. A Nice, la hausse est estimée à 2 % depuis le début de l’année, selon Orpi. Cela s’explique par des acquéreurs qui achètent souvent comptant. Ainsi, ils évitent les complications liées à l’obtention d’un crédit immobilier.
Vendeurs et acquéreurs
Les prix immobiliers dépendent de l’offre et de la demande. La demande est là mais contrainte par un accès difficile au crédit immobilier. Quant à l’offre, la balle semble être dans le camp des vendeurs pour baisser leurs prix de vente.
Les vendeurs rencontrent visiblement des difficultés à s’adapter au marché immobilier actuel. Selon une étude de l’Observatoire Interkab réalisée en juin 2023 auprès d’agents immobiliers indépendants, 7 vendeurs sur 10 préfèrent attendre et reporter leur projet plutôt que baisser leur prix de vente. Cela explique en partie le blocage du marché des transactions et aussi des prix qui tardent à diminuer.
Les grands perdants du marché du prêt immobilier
Les primo-accédants exclus du marché du crédit immobilier
Dans le contexte actuel, les primo accédants peinent à obtenir un crédit immobilier. En cause, l’apport personnel demandé par les banques, sans parler des exigences d’épargne de précaution. Leur capacité d’emprunt est amoindrie par la hausse des taux. L’allongement de la durée de remboursement ne suffit plus à compenser la perte de capacité d’emprunt. Selon les données CSA/Crédit Logement, la durée moyenne des prêts immobiliers s’établit à un niveau rarement observé par le passé. Elle dépasse 20 ans (250 mois et 8 mois) en mai 2023.
Aussi, la majorité des acquéreurs sont des secundo-accédants. Ils revendent pour acheter un nouveau logement. Pour le réseau d’agences immobilières Laforêt, les primo-accédants ne représentent aujourd’hui plus que 27 % des acheteurs contre 50 % auparavant. Mais, même les secundo-accédants rencontrent aussi des difficultés à financer leur achat immobilier. Malgré de bon revenus, ces emprunteurs se heurtent aussi à des taux d’intérêt élevés et à un taux d’usure rapidement dépassé.
Les investisseurs
Les investisseurs sont pénalisés par les conditions de financement. La limitation du taux d’endettement est le principal obstacle. Les banques toléraient auparavant un endettement jusqu’à 45 % à 50 %. Or, les investisseurs aux revenus confortables et au reste à vivre élevé doivent respecter le seuil d’endettement de 35 %.
FAQ sur le marché du crédit immobilier en 2024
Oui, le redémarrage de la production de crédits immobiliers est en marche depuis février 2024. Le nombre de prêts accordés continue à progresser : + 48,6 % de juin à août 2024 par rapport à la même période en 2023. Les baisses de taux à venir et la demande soutenue des acheteurs vont renforcer la tendance dans les mois à venir.
Oui, depuis janvier 2024, les taux immobiliers baissent en continu. En septembre, les banques affichent des taux en baisse après une pause estivale en août. Tout porte à croire que cette tendance baissière va se poursuivre. L’inflation en zone euro baisse significativement. Aussi, la Banque Centrale Européenne (BCE) devrait annoncer le 12 septembre 2024 un recul de ses taux de refinancement. Les banques vont répercuter cette baisse sur les taux des crédits immobiliers.
En septembre 2024, certains courtiers constatent que les banques atténuent leurs exigences d’apport personnel qui pouvaient atteindre jusqu’à 30 % de la valeur du logement acheté. Cette pratique n’est pas encore généralisée. A suivre dans les prochains mois.
Non, tant que les taux d’intérêt baissent, les taux d’usure n’empêchent pas d’obtenir un prêt immobilier en 2024.
Déjà en 2022 le marché du prêt immobilier est en baisse. Mais, en 2023 l’accès au crédit immobilier est réservé à une élite. Malheureusement, les emprunteurs ne peuvent pas compter sur une baisse significative des prix immobiliers pour compenser la perte de leur capacité d’achat. La BCE poursuit sa lutte contre l’inflation entamée mi 2022 ce qui entraine la hausse continue des taux immobiliers. Pas d’assouplissement efficace des critères d’octroi des prêts immobiliers. Toutefois, des signaux positifs apparaissent fin 2023.
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