Le marché du prêt immobilier en 2022 souffre. Mais, ça ne date pas d’aujourd’hui. Tout commence en 2019. Les premiers symptômes sur les crédits immobiliers apparaissent à l’été 2021. S’en est suivie la hausse des taux immobiliers en 2022 sans oublier le rôle joué par les taux d’usure. En cette fin d’année 2022, le constat est simple : c’est la dégringolade du nombre de crédits immobiliers accordés. Le profil des emprunteurs a bien changé.
Article mis à jour le 17/09/2024
Prêt immobilier 2022 : Tout commence fin 2019
2019, année record pour l’immobilier
Plus d’1 million de ventes immobilières en 2019
L’année 2019 a été exceptionnelle en nombre de prêts immobiliers acceptés par les banques. Il faut dire que les conditions d’accès à l’emprunt immobilier sont très largement favorables aux emprunteurs : pas ou peu d’apport personnel, des taux immobiliers historiquement bas et un endettement moins bridé qu’aujourd’hui. En décembre 2019, le taux moyen d’un prêt immobilier sur 25 ans est de 1,31 % (hors assurance).
Les pouvoirs publics redoutent le surendettement des ménages
Aussi, face à l’emballement de la production de crédits cette année-là, les pouvoirs publics craignent à terme un surendettement des ménages. C’est pourquoi, le Haut Conseil à la Sécurité Financière (HCSF), chargé en France de la surveillance du système financier, publie en octobre 2019 un rapport sur le crédit immobilier pour les particuliers. Or, celui-ci fait apparaitre une dégradation des conditions d’octroi des prêts et une augmentation des risques pour les emprunteurs.
Les recommandations du HCSF en 2019
Endettement limité à 33% des revenus
Dès décembre 2019, le HCSF émet une première recommandation à l’attention des banques. Il s’agit de respecter un taux d’endettement maximum de 33 % des revenus des emprunteurs. De plus, la durée d’emprunt se limite à 25 ans. Cette préconisation prévoit également que les banques peuvent s’écarter de ces 2 critères sous conditions. Mais, à l’issue d’un bilan en 2020, l’ACPR, autorité de contrôle des banques, pointe une dérive des conditions d’octroi des crédits immobiliers par certains établissements bancaires, malgré les recommandations de 2019.
Endettement limité à 35% des revenus assurance incluse
Donc, le HCSF adopte une deuxième recommandation en janvier 2021. Désormais, le taux d’endettement des emprunteurs ne doit pas dépasser 35 % de leurs revenus assurance de prêt comprise. La durée d’emprunt reste limitée à 25 ans sauf en cas de différé d’amortissement. Par ailleurs, la marge de manœuvre laissée aux banques augmente légèrement. Cette recommandation devient juridiquement contraignante en juillet 2021. Elle s’applique finalement au 1er janvier 2022.
Prêt immobilier 2022 : Les 1ers signes de ralentissement en 2021
Moins de crédits immobiliers accordés dès l’été 2021
Au printemps 2021, le marché des crédits immobiliers est dynamique. En effet, les taux d’intérêts sont historiquement bas. La demande est forte à la sortie du confinement en mai 2021, après une année 2020 perturbée. Mais, en juillet 2021, le ralentissement du nombre de prêts immobiliers accordés s’amorce et se renforce pendant l’été. Aussi, d’après les données CSA/Crédit logement, le nombre de prêts accordés à fin septembre 2021 augmente moins vite : + 7,7 % par rapport à la même période en 2020.
Les banques appliquent les critères du HCSF
Dès l’été 2021, les banques anticipent le caractère contraignant des recommandations du HCSF, applicables au 1er janvier 2022. La nouveauté réside dans la prise en compte de l’assurance emprunteur dans l’endettement maximale de 35 % des revenus. Chacun connait le poids de la prime d’assurance dans l’échéance de prêt. Cela revient à réduire la capacité d’emprunt des ménages. En effet, l’assurance de prêt peut représenter jusqu’à 1/3 du coût total de votre crédit. De plus, les banques ne peuvent pas financer au-delà de 25 ans voire 27 ans en cas de différé d’amortissement. Enfin, pour réduire l’accès au crédit immobilier et les risques de surendettement, les banques ont augmenté leurs exigences en apport personnel dès 2020. C’est un levier fréquemment utilisé pour sélectionner les demandes de prêt.
Prêt immobilier 2022 : Hausse des taux immobiliers en 2022
Taux immobiliers moyens sur 25 ans en 2022
Mois | Taux* moyen sur 25 ans** |
---|---|
Décembre 2022 | 2,42 % |
Octobre 2022 | 2,17 % |
Septembre 2022 | 1,98 % |
Juin 2022 | 1,59 % |
Mars 2022 | 1,25 % |
Décembre 2021 | 1,13 % |
Hausse modérée de janvier à juin 2022
Après une année 2021 avec des taux d’intérêt très bas, les taux de prêt immobilier augmentent timidement en janvier et février 2022, sous l’effet de l’inflation et dans un contexte incertain. Puis, le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022 a accentué les tensions sur les marchés, ce qui a contraint les banques a augmenté les taux immobiliers de février à juin.
BCE relève ses taux directeurs en juillet 2022
Le taux annuel d’inflation en zone euro s’emballe à 8,9 % en juillet 2022 contre 8,6 % le mois précédent. Aussi, l’objectif de la Banque Centrale Européenne (BCE) est de ralentir l’économie pour réduire l’inflation, créée par la crise énergétique. Ainsi en juillet 2022, la BCE relève ses taux directeurs. C’est une grande première depuis 2011. Par conséquent, en août et septembre 2022, les banques répercutent la hausse des taux de refinancement sur les crédits immobiliers de manière forte et franche. Le taux moyen sur 25 ans finit à 2,42 % en décembre 2022 contre 1,13 % un an plus tôt.
Les taux d’usure commencent à être un obstacle fin 2022
Les seuils d’usure deviennent fin 2022 un frein à l’obtention d’un crédit immobilier. Comment ne pas dépasser un taux d’usure de 3,05 % en décembre 2022 alors que le taux d’intérêt moyen est déjà de 2,42 % ?
Mois | Taux d’usure sur prêt de 25 ans* | Taux d’intérêt moyen sur 25 ans ** |
---|---|---|
Septembre 2022 | 1,98 % | 2,57 % |
Décembre 2022 | 2,42 % | 3,05 % |
Aussi, les courtiers en crédit ont rapidement pointé du doigt le mode de calcul et la fréquence d’actualisation des taux d’usure. En effet, les taux d’usure sont en perpétuel décalage avec la réalité des taux d’intérêt pratiqués. Ils sont calculés sur une moyenne de taux des 3 mois précédents. A la surprise générale, Bercy a accepté le 11 janvier 2023 d’actualiser les taux d’usure chaque mois mais de manière temporaire jusqu’en juillet 2023. Cette mesure s’applique dès le 1er février 2023 et finalement jusqu’à fin décembre 2023.
Prêt immobilier 2022 : c’est la chute des crédits accordés
Baisse du nombre de crédits accordés est actée en 2022
Dégradation au 1er semestre 2022
D’après les données CSA/Crédit logement, durant le 1er semestre 2022, -7,3 % de prêts accordés. A fin septembre 2022, la chute se confirme avec -13,6 % de crédits signés par rapport à la même période en 2021. Donc, la dégradation du marché des crédits est particulièrement rapide et forte en août et septembre 2022 : -34 % d’emprunts accordés. Sur les 9 premiers mois de l’année 2022, les banques ont accordé – 22,6 % de prêts pour financer l’achat d’un logement ancien. Le marché de l’ancien est largement affecté.
Chute sévère sur l’année 2022
Sur l’année 2022, le nombre de prêts acceptés chute de 20,5 % par rapport à 2021. A noter que la dégringolade est surtout manifeste au cours du 2ème semestre avec – 35 % de crédits accordés. Cela coïncide avec le relèvement des taux directeurs de la BCE en juillet 2022. S’en est suivie une hausse franche des taux immobiliers.
Marché de l’immobilier ancien le plus touché
Les ventes de logements anciens ont logiquement suivi la même évolution que le nombre de prêts accordés par les banques. En effet, 89 % des achats immobiliers dans l’ancien sont financés par un crédit immobilier d’après Crédit Logement. Or, la demande a été soutenue au printemps 2022. Mais, cela n’a pas suffi à compenser la baisse des ventes.
Ainsi à fin juin 2022, on constate -7,4 % de compromis signés par rapport à 2021 et – 18,6 % par rapport à 2019. Mais, souvenez-vous que 2019 a été une année exceptionnelle avec 1 063 000 transactions immobilières. Ce sont les mois d’août et septembre 2022 qui démontrent la chute du marché de l’immobilier ancien : -19,4 % de compromis signés. Ainsi, à fin septembre 2022 la baisse s’établit à – 11,5 %.
Prêt immobilier 2022 : Un nouveau profil d’emprunteur apparait
L’apport personnel fait la différence
L’apport personnel est le 1er critère de sélection mis en place par les banques dès 2020. Les banques ont revu à la hausse leurs exigences au fil des mois. Ainsi, à fin septembre 2022, Crédit Logement constate une hausse de l’apport personnel de 13,8 % après une augmentation de 13,3 % en 2021. Sur l’année 2022, l’apport personnel a augmenté de 12,3 % sur 1 an. Sans oublier qu’en 2021, la hausse s’élevait déjà à 13,2 %.
Mais, face à la hausse des prix de l’immobilier et à la contrainte d’un endettement de 35 %, certains emprunteurs compensent en augmentant leur apport personnel. Ceci vient donc renforcer le poids de l’apport personnel dans le financement d’un achat immobilier.
Les emprunteurs s’endettent sur une durée plus longue
En décembre 2022, la durée de remboursement d’un crédit immobilier s’établit à 20 ans et 8 mois (moyenne). Elle n’a cessé d’augmenter depuis septembre 2021. Ainsi, l’allongement de la durée d’emprunt a surcompensé l’augmentation des taux des crédits.
Les emprunteurs sont désormais aisés
Ce sont maintenant des emprunteurs aisés qui ont accès au prêt immobilier en 2022 A cet égard, leurs revenus ont augmenté à fin octobre 2022 de 4 % par rapport à fin octobre 2021. Ces ménages aisés achètent des logements plus chers avec un apport personnel confortable et un montant de crédit immobilier élevé.
Par conséquent, les ménages aux revenus modestes sont écartés du marché des prêts immobiliers depuis presque 2 ans en raison du niveau d’apport demandé par les banques. Par ailleurs, leur capacité d’emprunt est très affaiblie par la hausse des taux immobiliers.
En conclusion, le grand plongeon du marché des crédits immobiliers en 2022 est la conséquence des décisions imposées fin 2019 et de la hausse continue des taux. Celle-ci s’est renforcée tout au long de l’année 2023 avec des hausses fortes et continues. Il faut attendre janvier 2024 pour que les taux d’intérêt commencent à baisser. Mais, l’instabilité politique française en juin et juillet 2024 pourrait compromettre le redémarrage de l’activité immobilière. Contre toute attente en juin et juillet 2024, les banques baissent encore leurs taux. Le nombre de prêts accordés augmentent. Sans parler de la BCE qui devrait diminuer ses taux directeurs en septembre.
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