Le marché du pret immobilier en 2022 souffre. Mais, ça ne date pas d’aujourd’hui. Tout commence avec les préconisations du HCSF fin 2019. Les premiers symptômes apparaissent dès 2021. S’en est suivie la hausse des taux immobiliers en 2022 sans oublier le rôle joué par les taux d’usure. En cette fin d’année, le constat est simple : le nombre de crédits immobiliers accordés plonge. Le profil des emprunteurs a bien changé. Quelles sont les perspectives pour les années à venir ?

Article mis à jour le 13/05/2023

Prêt immobilier 2022 : tout commence fin 2019

Les recommandations du HCSF

L’année 2019 a été exceptionnelle en nombre de prêts immobiliers acceptés par les banques. Il faut dire que les conditions d’accès à l’emprunt immobilier sont très largement favorables aux emprunteurs : pas ou peu d’apport personnel, des taux immobiliers historiquement bas et un endettement moins bridé qu’aujourd’hui. Enfin, personne ne se souciait des taux d’usure.

Aussi, face à l’emballement de la production de crédits cette année-là, les pouvoirs publics craignent à terme un surendettement des ménages.

C’est pourquoi, le Haut Conseil à la Sécurité Financière (HCSF), chargé en France de la surveillance du système financier, publie en octobre 2019 un rapport sur le crédit immobilier pour les particuliers. Or, celui-ci fait apparaitre une dégradation des conditions d’octroi des prêts et une augmentation des risques pour les emprunteurs.

Dès décembre 2019, le HCSF émet une première recommandation à l’attention des banques. Il s’agit de respecter un endettement maximum de 33 % des revenus des emprunteurs. De plus, la durée d’emprunt se limite à 25 ans. Cette préconisation prévoit également que les banques peuvent s’écarter de ces 2 critères sous conditions.

Mais, à l’issue d’un bilan en 2020, l’ACPR, autorité de contrôle des banques, pointe une dérive des conditions d’octroi des crédits immobiliers par certains établissements bancaires, malgré les recommandations de 2019.

Donc, le HCSF adopte une deuxième recommandation en janvier 2021. Désormais, le taux d’endettement des emprunteurs ne doit pas dépasser 35 % de leurs revenus assurance de prêt comprise. La durée d’emprunt reste limitée à 25 ans sauf en cas de différé d’amortissement. Par ailleurs, la marge de manœuvre laissée aux banques augmente légèrement.

Cette recommandation devient juridiquement contraignante en juillet 2021, contrainte reportée au 1er janvier 2022.

Signes de ralentissement du marché du prêt immobilier en 2021

Au printemps 2021, le marché des crédits immobiliers est dynamique. En effet, les taux immobiliers sont historiquement bas. La demande est forte à la sortie du confinement de mai 2021 et après une année 2020 perturbée.

Dès juillet 2021, le ralentissement du nombre de prêts immobiliers accordés s’amorce et se renforce pendant l’été.

Aussi, d’après les données CSA/Crédit logement, le nombre de prêts accordés à fin septembre 2021 augmente moins vite : + 7,7 % par rapport à la même période en 2020.

De plus, dès l’été 2021, les banques anticipent le caractère contraignant des recommandations applicables au 1er janvier 2022.

Aussi, elles appliquent les critères suivants :

  • Un Taux d’endettement maximal de 35 % des revenus des emprunteurs assurance incluse. La nouveauté réside dans la prise en compte de l’assurance emprunteur dans l’endettement. Chacun connait le poids de la prime d’assurance dans l’échéance de prêt. Cela revient à réduire la capacité d’emprunt des ménages. En effet, l’assurance de prêt peut représenter jusqu’à 1/3 du coût total de votre crédit.

Sachez que la loi Lemoine depuis le 1er juin 2022 facilite la résiliation de votre assurance de crédit immobilier. Aussi, changez d’assurance emprunteur à tout moment.

  • Durée de prêt limitée à 25 ans : les banques ne peuvent pas financer au-delà de 25 ans voire 27 ans en cas de différé d’amortissement.
  • Le rôle de l’apport personnel : pour réduire l’accès au credit immobilier et les risques de surendettement, les banques ont augmenté leurs exigences en apport personnel dès 2020. C’est un levier fréquemment utilisé pour sélectionner les demandes de prêt.

Hausse des taux immobiliers en 2022

Après une année 2021 avec des taux d’intérêt très bas, les taux de prêt immobilier augmentent timidement en janvier et février 2022 sous l’effet de l’inflation et dans un contexte incertain.

Puis, le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022 a accentué les tensions sur les marchés et l’inflation, ce qui a contraint les banques a augmenté les taux immobiliers de février à juin.

L’inflation s’emballe et atteint un taux de 9,1 % en août 2022 dans la zone euro. Donc, l’objectif de la Banque Centrale Européenne (BCE) est de ralentir l’économie pour réduire l’inflation créée par la crise énergétique.

Aussi en juillet 2022, la BCE relève ses taux directeurs. C’est une grande première depuis 2011.

Aussi, en août et septembre 2022, les banques répercutent la hausse des taux directeurs sur les crédits immobiliers de manière forte et franche.

Selon CSA/Crédit Logement, le taux d’intérêt moyen hors assurance en octobre 2022 s’élève à 2,17 % sur 25 ans. Mais, c’est une moyenne. Dans les faits, attendez-vous à un taux de 2,45 % sur 25 ans et 2,25 % sur 20 ans.

Le Taux d’usure

Jusqu’alors inconnus du grand public, les taux d’usure liés au prêt immobilier n’ont plus de secret pour personne aujourd’hui.

En effet, ces seuils sont devenus un frein à l’obtention d’un crédit immobilier dans un contexte de hausse régulière des taux. Aussi, les courtiers ont rapidement pointé du doigt leur mode de calcul et leur actualisation. En effet, les taux d’usure sont en perpétuel décalage avec la réalité des taux d’intérêt pratiqués. De ce fait, ils conduisent à restreindre l’accès au prêt immobilier et à écarter bon nombre d’emprunteurs.

Mais volte-face de la Banque de France et du gouvernement en janvier 2023. A la surprise générale, Bercy a accepté le 11 janvier d’actualiser les taux d’usure chaque mois (non plus trimestriellement) mais de manière temporaire jusqu’en juillet 2023. Cette mesure s’applique dès le 1er février 2023.

Prêt immobilier 2022 : moins de crédits accordés

La baisse du nombre de crédits accordés est effective en 2022

D’après les données CSA/Crédit logement, durant le 1er semestre 2022, -7,3 % de prêts accordés.

A fin septembre 2022, la chute se confirme avec -13,6 % de crédits signés par rapport à la même période en 2021. Donc, la dégradation du marché des crédits est particulièrement rapide et forte en août et septembre 2022 : -34 % d’emprunts accordés. Sur les 9 premiers mois de l’année 2022, les banques ont accordé – 22,6 % de prêts pour financer l’achat d’un logement ancien. Le marché de l’ancien est largement affecté.

Sur l’année 2022, le nombre de prêts acceptés chute de 20,5 % par rapport à 2021. A noter que la dégringolade est surtout manifeste au cours du 2ème semestre avec – 35 % de crédits accordés. Cela coïncide avec le relèvement des taux directeurs de la BCE en juillet 2022. S’en est suivie une hausse franche des taux immobiliers.

Marché de l’immobilier ancien le plus touché

Les ventes de logements anciens ont logiquement suivi la même évolution que le nombre de prêts accordés par les banques. En effet, 89 % des achats immobiliers dans l’ancien sont financés par un crédit immobilier d’après Crédit Logement. Or, la demande a été soutenue au printemps 2022. Mais, cela n’a pas suffi à compenser la baisse des ventes.

Ainsi à fin juin 2022, on constate -7,4 % de compromis signés par rapport à 2021 et – 18,6 % par rapport à 2019. Mais, souvenez-vous que 2019 a été une année exceptionnelle en termes de nombre de transactions immobilières. Ce sont les mois d’août et septembre 2022 qui démontrent la chute du marché de l’immobilier ancien : -19,4 % de compromis signés. Ainsi, à fin septembre 2022 la baisse s’établit à – 11,5 %.

Prêt immobilier 2022 : un nouveau profil d’emprunteur

Apport personnel

L’apport personnel est le 1er critère de sélection mis en place par les banques dès 2020. Les banques ont revu à la hausse leurs exigences au fil des mois. Il est aujourd’hui indispensable.

Ainsi, à fin septembre 2022, Crédit Logement constate une hausse de l’apport personnel de 13,8 % après une augmentation de 13,3 % en 2021.

Sur l’année 2022, l’apport personnel a augmenté de 12,3 % sur 1 an. Sans oublier qu’en 2021, la hausse s’élevait déjà à 13,2 %.

Notez qu’actuellement, un apport personnel de 20 % du prix d’achat est le minimum requis pour obtenir un crédit immobilier. Il ne s’agit plus de couvrir uniquement les frais de notaire et les frais de garantie.

Mais, face à la hausse des prix de l’immobilier et à la contrainte d’un endettement de 35 %, certains emprunteurs compensent en augmentant leur apport personnel. Ceci vient donc renforcer le poids de l’apport personnel dans le financement d’un achat immobilier.

Durée de prêt immobilier 2022 : toujours plus longue

En octobre 2022, la durée moyenne de remboursement d’un crédit immobilier s’établit à plus de 21 ans pour l’achat d’un logement ancien. Les ménages empruntent sur des durées de plus en plus longues. En effet, près des 2/3 des prêts octroyés en octobre ont une durée comprise entre 20 et 25 ans. Mais actuellement, l’augmentation de la durée d’emprunt ne suffit plus à répondre à la hausse des prix immobiliers et à compenser les exigences en apport personnel.

Emprunteurs aisés

Ce sont maintenant des emprunteurs aisés qui ont accès au prêt immobilier. A cet égard, leurs revenus ont augmenté à fin octobre 2022 de 4 % par rapport à fin octobre 2021.

Les emprunteurs aux revenus modestes sont écartés du marché des prêts immobiliers depuis presque 2 ans en raison du niveau d’apport demandé par les banques. Par ailleurs, leur capacité d’emprunt est affaiblie par la hausse des taux immobiliers.

Ces ménages aisés achètent des logements plus chers avec un apport personnel confortable et un montant de crédit immobilier élevé.

Prêt immobilier 2022 : les perspectives

Taux immobiliers stabilisés en 2024 ?

D’après Crédit Logement, les taux moyens devraient s’établir à 2,80 % fin juin 2023 pour baisser à 2,45 % à fin 2023. En 2024, les taux immobiliers devraient être stables. Malheureusement, la hausse des taux d’intérêts plus forte et rapide en 2023 déjoue ces prévisions. Ainsi, en avril 2023, la taux immobilier moyen s’élève déjà à 3,15 % (données Crédit Logement). Les hausses des taux immobiliers vont se poursuivre dans les mois à venir. En effet en mai 2023, la BCE a relevé ses taux directeurs pour la 7ème fois depuis juillet 2022. Toutefois la hausse est plus modérée que les précédentes. Est-ce que l’inflation commencerait à fléchir ?

Taux d’usure

Le ministre du Logement a déclaré en novembre 2022 être favorable à une mise à jour plus régulière (mensuelle) des taux d’usure pour prendre en compte la réalité du marché. Quelles seront les suites de cette déclaration ? Les taux d’usure ont bien été actualisés chaque mois à partir du 1er février 2023.

En mai 2023, force est de constater que l’actualisation mensuelle des seuils d’usure ne permet pas de faciliter l’accès aux crédits immobiliers tant que les taux d’intérêts augmentent fortement. La révision de son mode de calcul aurait certainement été plus utile.

Par ailleurs, la mensualisation des taux d’usure a précipité l’augmentation des taux d’intérêts. En effet, les banques ont répercuté plus rapidement les hausses de taux.

Des critères d’emprunt inchangés

Les critères d’endettement, de durée de prêt et d’apport personnel ne devraient pas changer en 2023. Toutefois, face au ralentissement notable du marché du crédit immobilier en 2023, le gouvernement et les banques en mai 2023 semblent favorables à un assouplissement des critères d’octroi des prêts immobiliers. La Banque de France s’y oppose, craignant un risque de surendettement. On en saura plus mi-juin 2023 lors de prochaine réunion du Haut Conseil à la Sécurité Financière (HCSF).

Moins de logements à vendre en 2023

Selon le groupe AVIV, l’offre de logements à vendre en France a chuté de 40 % par rapport à 2018. Or, la pénurie d’offre fait augmenter les prix immobiliers. Les vendeurs seront-ils prêts à baisser les prix de vente ? Rien n’est moins sûrs face à des emprunteurs aisés avec un apport personnel de plus en plus élevé et des projets immobiliers ambitieux.

Moins de ventes immobilières en 2023

Toujours d’après le groupe AVIV (Seloger et Meilleurs agents), les ventes devraient reculer de -15 % en 2023.

Pour conclure, le marché des crédits immobiliers ne s’est pas dégradé brusquement. Les premiers signes sont apparus l’été 2021. Sous l’effet de la hausse franche des taux immobiliers l’été 2022, le nombre de prêts immobiliers accordés en 2022 a chuté. Les perspectives sont toutes orientées à la baisse : moins de transactions et moins de crédits immobiliers accordés. Les taux d’intérêt devraient continuer à augmenter fortement en 2023.

Nos derniers articles :

Un marché du crédit immobilier bloqué en 2023

Un regroupement de crédit quand on est assistante maternelle

Choisir son assurance de prêt immobilier selon 4 critères

3 conseils pour réussir un rachat de crédits

Guide du rachat de crédit

Assurance emprunteur : changez de contrat à tout moment !

Catégories : Prêt immobilier